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Sur-tourisme : contrainte ou aubaine pour les tour-opérateurs ?

Retour sur le 10e Forum du SETO à Deauville


La contrainte de l'overtourisme peut-elle se transformer en opportunité pour les tour-opérateurs ? C'est la question sur laquelle les voyagistes membres du SETO, réunis à Deauville lors du 10e Forum du syndicat, ont planché, le 13 décembre 2018.


Rédigé par le Mardi 1 Janvier 2019

Face à l'overtourisme, certaines villes cherchent des solutions pour gérer les flux de visiteurs - DR : DepositPhotos, IgorVetushko
Face à l'overtourisme, certaines villes cherchent des solutions pour gérer les flux de visiteurs - DR : DepositPhotos, IgorVetushko
Absent des discours il y a encore 5 ans, le « sur-tourisme » est désormais au cœur des préoccupations, y compris chez les professionnels du voyage.

Le thème, abordé durant le 10e Forum du SETO à Deauville, le sera également à Madère, lors du congrès des Entreprises du Voyage.

Car il s'agit là d'un phénomène mondial. A son propos, l'OMT a déclaré récemment que « 95% des voyageurs vont sur 5% de la planète ».

Un phénomène mondial

Des villes comme Amsterdam, Barcelone, Palma de Majorque, Budapest ou encore Dubrovnik sont confrontées à cet « overtourisme » et cherchent des solutions pour gérer les flux de visiteurs.

Cela se traduit aussi, pour les sites touristiques, par la mise en place de quotas, comme à l'Alhambra de Grenade ou au Machu Picchu : il faut désormais acheter les billets à l'avance.

Le sur-tourisme a également donné naissance à d'autres notions. Depuis 2016, on entend parler de « tourismophobie » pour exprimer le ras-le-bol des populations locales vis-à-vis de cette « invasion » de touristes.

L'« anthropotourisme », quant à lui, doit permettre d'associer les habitants à la façon de gérer les flux touristiques.

Face à ce phénomène, que peuvent faire les professionnels du tourisme ?

Des mesures simples peuvent-elles être mises en place pour éviter la concentration dans certaines villes ou sites touristiques ? Et ce, sans perdre de vue l'arrivée des clientèles asiatiques (Chinois, Indiens) sur le marché...

Éducation des touristes et sanctions financières

Certaines villes européennes ont déjà pris une série de mesures financières pour lutter contre le sur-tourisme. Amsterdam a décidé d’augmenter les taxes touristiques et banni les cars et les bateaux du centre-ville. Idem à Bayonne où les fêtes sont devenues payantes en mai 2018.

Ailleurs, comme à Rome, on verbalise les voyageurs qui se baignent dans les fontaines, alors qu'à Barcelone, le marché de la Boqueria, près des Ramblas, interdit l'entrée aux groupes certains jours.

Au-delà de ce duo sanction/éducation, Jean-Pierre Nadir, le fondateur d'Easyvoyage, qui animait une conférence sur la thématique lors du 10e Forum du SETO, en a profité pour avancer quelques pistes de réflexion.

« Pourquoi ne pas étendre les horaires d'ouverture des principaux sites, voire proposer des visites nocturnes ?

On pourrait imaginer que dans les packages des TO, quand les clients arrivent en jetlag, on les envoie directement au Louvre,
avance-t-il. Ainsi, ils auraient accès à des tarifs moins chers et des sites moins peuplés ».

Autres pistes : raccourcir les temps de visite, limiter le nombre de groupes ou bien interdire les selfies.

Les voyagistes sont-ils responsables du sur-tourisme ?

Entre constats et solutions, les tour-opérateurs présents ont échangé leurs réflexions et leurs retours d’expérience sur le sujet.

« Les professionnels du tourisme ont une part de responsabilité, a déclaré Jean-François Rial, P-DG de Voyageurs du Monde.

Peu importe les excursions que nous proposons, qu'elles soient recherchées, décalées, éclairées, les clients aiment les tours, les excursions classiques, standardisées. C'est donc à nous de leur proposer sans cesse quelque chose de différent, les pousser à aller ailleurs. Même si cela ne touche que 20% de notre clientèle, cela aidera à faire baisser une pression qui est terrible ».

Il faut donc éduquer les clients, en leur proposant par exemple, des excursions différentes autour des clubs de vacances, comme le fait déjà NG Travel avec ses Kappa Clubs.

Ou bien, « pour les repeaters, les envoyer dans d'autres sites ou à des horaires décalés, avance Alain Capestan, pour Voyageurs du Monde. Mais cela suppose que les sites soient ouverts. »

Si on imagine facilement l'impact que provoque le sur-tourisme sur les populations locales, Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage, rappelle que « l'autre victime du sur-tourisme, c'est le touriste lui-même. L'éduquer, c'est notre job. Il faut lui expliquer, qu'à Venise, le sur-tourisme se trouve entre le Pont du Rialto et la Place Saint-Marc. S'il va deux canaux à droite ou à gauche, il n'y a plus personne ».

Une réflexion nuancée par Michel-Yves Labbé : « Cela fait 40 ans que je vends les Etats-Unis, et nous avons créé des cargaisons de circuits et tenté d'envoyer des clients dans tous les États, mais ils sont toujours allés en Californie, à New York, en Floride.

Surtout ceux qui passent par les voyagistes. Et ce, malgré le travail de chefs de produits compétents qui se sont démenés pour sortir de ce schéma
 ».

Cependant, chez Voyageurs du Monde, par exemple, Jean-François Rial constate depuis 5 ans, un début de prise de conscience de la part de ses clients, face à cet overtourisme, y compris chez les primo-voyageurs. « Sur le Japon, qui est devenu totalement saturé, nous en avons qui décident de ne pas aller ni à Tokyo, ni à Kyoto, car nous les avons prévenus ».

Faut-il revoir les saisons touristiques ?

Dans ses Kappa Clubs, Olivier Kervella, quant à lui, note une différence de comportement suivant les âges.

« Quand on propose à un client de la nouvelle génération d'aller visiter gratuitement l'acropole à Athènes, surtout en bus, il n'y va pas. Par contre, si on lui propose de visiter une fabrique d'huile d'olive ou un dîner chez l'habitant, il y va. Alors que pour l'ancienne génération, c'est l'inverse. Et je pense que progressivement les millenials seront beaucoup moins dans la logique de sur-tourisme que l'ancienne génération ».

« Encore faut-il convaincre les réceptifs de revoir leurs programmes, ajoute Patrice Caradec, président d'Alpitour. La créativité des excursions au départ des clubs est un des enjeux majeurs des TO ».

« Là encore il faut faire la distinction entre vieux et nouveaux réceptifs », nuance Olivier Kervella.

« Pourquoi ne pas faire travailler nos partenaires à destination durant la basse saison, afin de lisser leur activité économique sur l'année ? », lance Guillaume Linton, président d'Asia.

Poussant la réflexion, il affirme : « il y aurait aussi un rôle de lobbyiste à jouer de la part des TO, pour expliquer aux ministères et aux Offices du tourisme des destinations que la clientèle européenne est plutôt sensible à ces sujets-là, par rapport à d'autres marchés, notamment en Asie ».

Et de poser la question des stocks : « c'est un enjeu majeur sur certaines destinations, en fonction des saisons.

Il faut prendre conscience que notre matière première doit être protégée, pérennisée si l'on veut pouvoir encore vivre dans 20 ans, mais aussi être capable, en tant qu'opérateurs, d'engager nos réservations adossées à du cash au moment du booking vis-à-vis de nos réceptifs
 ».

Quelle responsabilité pour les Etats ?

En marge des questions professionnelles, Jean-Pierre Mas a souligné le rôle que jouent les Etats dans la gestion du sur-tourisme et de l'aménagement du territoire au sens large, citant en vrac, le monopole de Paris qui est l'unique porte d'entrée pour les clientèles long-courrier, le protectionnisme d'Air France qui rend difficile l'ouverture de nouvelles routes pour des compagnies comme Emirates, l'absence de plans d'aménagement du territoire en matière touristique comme cela fut le cas pour le Plan Languedoc en 1967 ou EuroDiney en 1992... soit il y a 26 ans !

« Il faut impliquer les gouvernements, en France comme ailleurs, dans la répartition touristique sur le territoire, avec des zones de concentration touristique et des zones avec peu de touristes ».

« Les collectivités locales ont aussi un rôle à jouer dans la répartition des flux et la mise en garde contre la flambée des prix à certaines dates si l'on veut fidéliser les clientèles, ajoute Julien Buot, directeur de l’association Agir pour un Tourisme Responsable.

Et Jean-François Rial de citer en exemple le Mont Saint-Michel, « sublime quand on le voit depuis Cancale, mais qui se transforme en EuroDisney une fois sur place ». Et de questionner la responsabilité des pouvoirs publics et des commerçants « qui ont tout organisé comme dans les aéroports ».

Une vision franco-française ?

Toutes les solutions avancées reflètent-elles une vision franco-française du phénomène ?, s'est interrogé Michel-Yves Labbé.

« Demain, le sur-tourisme, ce sera des Chinois, des Indiens, des Indonésiens. Ce sont des primo-voyageurs, qui vont arriver en masse et qui veulent voir la Joconde et la chapelle Sixtine.

Et il va falloir être coercitifs, comme les Russes qui ont interdit les selfies, comme les Berlinois qui ont interdit les valises à roulettes dans le quartier de Kreuzberg, on ne pourra pas faire autrement, face aux grandes masses qui arrivent d'Asie
 ».

Doit-on alors rendre les touristes élitistes en jouant sur les prix ? Y'a-t-il un intérêt pour les professionnels ? Le débat reste ouvert...

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Marchandise le 02/01/2019 13:33 | Alerter
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Bonjour,

Ne pas oublier le touriste à vélo. Lui aussi veut visiter Chambord mais sa consommation de site saturés sera forcément lissée car il cherche aussi autre chose (parcourir la nature) et pour une raison toue bête, il ne peut pas sauter de site en site comme en voiture ou en car.
Cordialement

Erick Marchandise

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